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Passionnée d’histoire, d'énigmes policières, de SF et de Fantasy, l’auteur a développé très tôt une passion pour la lecture grâce à des auteurs tel que Sir Arthur Conan Doyle, Agatha Christie ou encore Isaac Azimov. Lire, écrire ont souvent été des refuges. Enfant solitaire, Patricia Ceccaldi a puisé dans son imaginaire, dans ses souvenirs d'enfance une source inépuisable d'inspirations.

DONNALUNA, ENTRE DEUX MONDES ...

DONNALUNA, ENTRE DEUX MONDES ...

sera un roman pour les plus grands. J'avais envie d'explorer d'autres horizons d'écriture tout en restant dans mon imaginaire ...

Plus que trois chapitres pour que le Tome 1 soit terminé...

Merci Rebecca A. pour ton soutien sans faille dans ce projet et tes suggestions si pertinentes et inspirantes ...

EXTRAIT : PROLOGUE ET CHAPITRE 1...

Prologue

Le bruit de la chute du plat en étain résonna avec fracas dans la chambrée malgré les lourdes tentures tissées. Elisèu poussa un cri de surprise mêlé de crainte. Devant sa moue apeurée, la maîtresse des lieux perdit patience et apostropha violemment sa servante :

- « Petite sotte, tu ne peux donc pas faire attention ? Serais-tu si maladroite qu’il te manque deux mains pour faire les choses correctement ? »

- « Excusatz… dòl, senhora, ye ne ferè plus, promis », s’excusa la jeune suivante, cherchant ses mots, ne sachant comment se faire pardonner sa maladresse.

Elisèu était une domestique dotée d’un grand cœur. Le riche marchand ne s’y était d’ailleurs pas trompé, lorsqu’il y a bien longtemps, il lui offrit le gîte et le couvert. Humble et docile, elle ne savait plus, depuis, comment lui témoigner sa reconnaissance pour cet acte d’une grande générosité. Il lui avait permis d’avoir des conditions de vie bien plus dignes que celles qui lui étaient destinées. Nombre de ses amies d’enfance n’avaient pas eu cette chance. Certaines d’entre elles avaient été abandonnées et placées au service de personnes riches qui honteusement les avaient exploitées. Esclaves des pires corvées, elles étaient pour la plupart dans un état de malnutrition sévère. Les misérables deniers consentis par leurs maîtres ne leur suffisaient même pas à se vêtir décemment. Des haillons étaient souvent leur unique tenue quotidienne. Quelques-unes avaient pu lui confier leurs tourments. Après les avoir maintes fois battues, leurs maîtres se plaisaient à les asservir davantage afin de satisfaire tous leurs fantasmes. Les scènes décrites étaient d’une insupportable cruauté.

Elisèu savait comment ces filles-là finissaient. Engrossées, elles étaient, la plupart du temps, congédiées sans autre forme de procès, renvoyées dans la rue, sans un toit pour se loger, ni un sou pour vivre. De foyers, ces pauvres gamines n’en avaient plus. Déshonorées, leurs familles ne les reconnaissaient plus comme leur enfant. Offrir leurs corps misérables contre une maigre obole demeurait hélas la seule solution à leur survie.

Ses tâches n’étaient pas des plus faciles, mais Elisèu appréciait sa vie. Elle avait une chambre avec un bon feu dans la cheminée. Un trésor pour une fille comme elle qui n’avait jamais pu trouver époux, car, sans dot, cela lui était impossible.

Son modeste bonheur aurait pu être parfait si l’arrivée de la jeune épouse de son maître n’était venue bouleverser son quotidien.

C’était une femme perfide et cruelle qui savait masquer sa méchanceté sous l’apparence trompeuse de la bonté. Elle savait berner son monde avec ses airs innocents ! Elisèu avait reconnu le démon qui se cachait en elle ! Elle se désespérait de voir son maître être sous l’emprise de ses caprices et de ses fantaisies.

Ce soir, cette peste de l’enfer n’avait eu de cesse de la tourmenter la troublant au point d’occasionner mille maladresses ! Cela réjouissait, la perfide sorcière, gratifiant son ordinaire de sa dose indispensable de machiavélisme.

Grande de taille, longiligne, elle aimait particulièrement brosser sa chevelure dense, longue et brune où le soleil couchant venait y réveiller des reflets flamboyants. Elle était de noble naissance. Sa peau était laiteuse comme l’albâtre. Ses yeux étranges avaient cette capacité de changer de couleur en fonction de la manière dont la lumière s’y reflétait. Elle se savait belle.

Elle restait distante et secrète sauf quand ses amies de la noblesse du comté venaient la visiter.

Elisèu était intriguée tout en la maudissant intérieurement. Elle observait ses nombreuses disparitions à l’intérieur d’une pièce de l’immense demeure. Sa maîtresse gardait la clé par-devers elle, pendue à une chaîne d’argent. La chambre secrète était un lieu dont elle avait seule la jouissance. Quiconque oserait y pénétrer s’exposerait à son courroux.

Le maître laissait faire tant il était épris jusqu’à en devenir aveugle.

Mais c’était ainsi et Elisèu ne pouvait rien y changer.

Reine en sa demeure, elle demanda ce soir-là des chandelles de cire à sa jeune servante. Elisèu, étonnée, partit en chercher, sachant qu’aucune de celles de la maison n’étaient consumées. Elle sut que l’infernale noble dame souhaitait l’éloigner afin de pouvoir se réfugier dans son antre.

Soumise aux ordres, Elisèu s’exécuta pourtant, en silence. Elle descendit dans les sous-sols, et y prit deux candélabres d’argent. Elle les plaça dans une panière d’osier en compagnie d’une courtepointe et d’une couverture de laine. Les bras chargés de son fardeau, elle gravit péniblement les marches de pierre. La demeure de ses maîtres était somptueuse, ressemblant à un château en miniature. Des tentures ornaient richement les murs, les illuminant de leurs décors chamarrées. Elles racontaient des scènes de chasse ou d’amour courtois. Elisèu aimait les contempler lorsqu’elle avait un peu de temps. A ce moment précis, seul cet escalier interminable occupait ses pensées, car il lui fallait atteindre l’étage sans laisser tomber son panier.

A peine son pied eut-il franchi la dernière marche qu’elle entendit un bruit insolite venant de l’autre aile de la bâtisse.

C’était là que se trouvait la pièce maudite.

Intriguée, elle posa sa corbeille en osier sur le sol. Pas à pas, elle se dirigea vers la zone d’où provenaient les bruissements et les chuchotements. Silencieuse, elle prenait soin que chacun de ses pieds se fissent le plus discret possible. Il lui fallait éviter les planches grinçantes du parquet en châtaignier.

La porte de l’entrée de la salle damnée était largement ouverte.

Sa curiosité plus puissante que sa peur, Elisèu pénétra dans l’espace. La lumière de milliers de chandelles se tamisait sous l’effet des voilages rouge sang. Les étoffes transformaient l’or des flammes en nuées écarlates. Elles construisaient un labyrinthe mystérieux dans lequel Elisèu s’enfonça le cœur battant. Au fur et à mesure qu’elle avançait, des bruits étranges se firent plus précis.

De sa main tremblante, elle souleva le voile pourpre. Ce qu’elle vit, la pétrifia d’effroi. Une tête humaine reposait sur un plat en or. Du sang coulait du cou laissant une trace rubis, longue et visqueuse, s’écouler vers le sol. L’odeur métallique et fade envahissait ses narines étouffant sa terreur. Une étoile à cinq branches était dessinée au sol. A chaque extrémité, la lumière vacillante d’une bougie noire éclairait le corps d’une femme, démembré et dépecé. Un homme, le visage maculé de sang était penché au-dessus du cadavre assouvissant un plaisir charnel. Gémissant et gesticulant comme un damné, sa transe ignorait le monde réel et la présence de la suivante terrorisée.

Figée ainsi, Elisèu ne vit pas l’ombre s’approcher d’elle. Alors qu’elle essayait vainement de sortir un son de sa bouche, une douleur transperça son flanc gauche. Le sang jaillit de la plaie qu’elle essaya maladroitement de compresser avec ses mains. Elles ne rencontrèrent que le métal glacé d’une lame. Ces yeux croisèrent un regard dont l’intensité changea de couleur, l’iris de ses yeux ayant épousé la fureur du démon.

Elle se mit à hurler.

Ses cris n’eurent pour seul effet que d’accroître la douleur. Celle-ci revint à la charge par vagues successives, puissantes. Terrifiée, Elisèu tenta d’arracher l’arme de son torse en tirant désespérément sur le pommeau.

Un rire machiavélique, inhumain éclata soudain lui glaçant le sang.

Deux mains empoignèrent la dague et l’enfoncèrent jusqu’à la garde. Les yeux de la peste de l’enfer plongèrent son regard dans celui d’Elisèu. Elle se délectait des multiples souffrances de sa proie.

Regardant sa servante s’affaisser vers les ténèbres, elle sut que celle-ci s’en irait avec son image comme dernier souvenir. Cette simple pensée attisa son extase jusqu’à en jouir.

Elisèu suffoqua sous la pression du poignard.

Basculant dans l’obscurité, expirant son souffle ultime, elle entendit le rire infernal la poursuivre jusqu’à son passage vers l’éternité. 

1

Enya

J'ai grandi sur une île des merveilles, blottie dans un écrin d'Azur. J'ai fait mes premiers pas au cœur des cistes odorants et des chênes torturés par une nature insoumise. Les fleurs y sentaient bon le parfum des immortelles. Des pluies d’automne s’échappaient des fragrances enivrantes et poivrées de menthe sauvage. Les clairières qui bordaient la lisière de la forêt, avaient, souvent en cette période de l’année, des odeurs musquées que laissaient, dans leur sillage, le passage des cerfs en rut. Lorsque la lune ronde et dorée inondait le pré de sa lumière blanche et froide, leurs silhouettes franchissaient les barrières de fougères, avec l’allure fière et hautaine des rois. Ils tendaient alors leur tête couronnée de bois vers le ciel étoilé. Leurs pelages noirs et tachetées se découpaient en ombres étranges et la nuit s’enchantait du son long et plaintif de leur bramement.

Mon village niché sur les hauteurs d'un mont dominait de sa toute puissance un golfe où une eau cristalline, dont les embruns chatouillaient nos narines les jours de grand vent, se perdait à l’horizon. Les matins sans nuage, nous pouvions distinguer les îlots qui nous faisaient face. Je sentais en moi des désirs d’évasions, le monde m’appelait et je n’en avais aucune peur, car il semblait être mien…

A l'adret, les falaises abruptes plongeaient vers une plaine verdoyante où quelques brebis venaient paître, se délectant avec gourmandise des herbes grasses rafraîchies par les rosées matinales.

Aussi loin que mes souvenirs m'entraînent, je n'ai jamais rien vu de plus beau. Les montagnes environnantes hissaient haut un éventail de couleurs pour rejoindre leurs cimes enneigées semblant toucher le ciel.

Les anciens leur vouaient une crainte respectueuse.

- Il n'y a pas de place pour les imprudents, nous affirmaient-ils.

Pendant les veillées au coin du feu crépitant, conteuses et conteurs, très nombreux dans mon village, disaient, à propos des montagnes environnantes, qu'elles étaient les gardiennes des légendes et des secrets. Mais également des sources, dont on ne doit pas révéler les noms. Là où elles naissent, les lieux sont sacrés et chargés de mystères.

C'est là que j'habitais avec mes parents, Orsu et Maddalena, dans une maison de granit gris. Elle n'était pas bien grande mais elle suffisait à notre bonheur tant l'amour et la tendresse y étaient omniprésents.

C'étaient des gens bienveillants à qui je vouerais, toute mon existence, une reconnaissance sans faille.

Nous vivions une époque où la pauvreté était le quotidien; le confort et les commodités nous étaient inconnus. Nous possédions d'autres richesses bien plus importantes qui égayaient nos vies, par la beauté des terres qui nous entouraient, et par les récoltes abondantes qu’elles nous donnaient. Nous comblions les manques par une solidarité spontanée et généreuse, héritée de nos ancêtres, qui nous liait tous.

Parmi ces personnes bienheureuses, mes jeunes années furent aussi douces que la rivière qui serpentait en cascades lumineuses le long des pentes rocailleuses du mont de mon enfance.

Il n'avait pas de nom.

Cela faisait des années que les habitants de mon village en cherchaient un, sans succès.

Je baignais dans l’amour de mes parents.

J’étais aimée.

Mais je ne leur ressemblais point.

Leurs cheveux étaient d'un noir de jais tandis que les miens dégringolaient en cascades de miel jusque sur mes épaules.

C'était ce que ma mère ne cessait de me dire tout le temps avec son doux sourire empli de tendresse. Les différences ne s'arrêtaient pas là. Ma peau était aussi claire que l’albâtre. Des tâches rousses constellaient mon corps de la pointe des pieds jusqu'à la racine de mes cheveux. Comme les autres habitants du village, mes parents avaient le visage bruni par les embruns de la mer et par le soleil, si puissant à cette altitude.

Cette distinction physique ne dérangeait personne, pas plus que Petru, celui qu’on nommait l’idiot du village, ou Dumè et sa jambe de bois !

Tout le monde vaquait à ses occupations sans se soucier des différences.

Bien souvent, quand les tâches de ma mère étaient accomplies, nous partions cueillir des fleurs sauvages pour déposer un bouquet odorant aux pieds d’une statue drapée dans une épitoge bleue. Son sourire semblait remercier Maddalena. Leur ressemblance était troublante. Je connaissais son histoire et celle de son fils bien-aimé, elle me fût contée durant ma petite enfance, les soirs au moment du coucher.

Une histoire d'amour pour sauver l'humanité…

Ma mère était une adepte très discrète d'anciennes croyances, comme sa mère avant elle. Il en était ainsi depuis maintes générations. Les femmes de ma famille détenaient des savoirs immémoriaux, mais semblaient aussi me cacher des secrets. Comme tous les enfants, mes oreilles très curieuses ont entendu quelquefois des bribes, de-ci de-là, de bien étranges histoires.

Jadis, une femme, dont personne ne connaissait le nom, parvint jusqu’à notre île. L'enchanteresse, comme tout le monde finit par la nommer, arriva un matin d'automne. Elle traversa les pieve, de part en part, parée d'un chapelet de perles sculptées d’énigmatiques symboles. Elle les scrutait, à chacun de ses pas, semblant y chercher son chemin dans la nature.

On raconte qu'elle trouva un lieu sacré, invisible aux yeux des habitants, et qu’elle s'y installa. Dans tous les villages alentours, elle tissa des liens profonds et puissants d'amitié, car nulle en elle ne voyait de danger.

Aux femmes, en particulier, elle enseigna les secrets des potions de guérison et autres philtres pour améliorer le quotidien. En échange, celles-ci lui apportaient ce que leurs mères leur avaient transmis, agrémenté de paniers de vivres en guise d’offrande. L’enchanteresse chantait souvent dans une langue inconnue de tous. Tantôt gais tantôt mélancoliques, ces airs faisaient rêver les villageois. Certains s’en méfiaient, ils la comparaient aux sirènes que les marins évoquaient sans vraiment y croire. Fascinés par sa voix, ils craignaient l’ensorcellement.

Ceux-là, nous faisaient bien rire maman et moi !

Quant aux autres, ses envolées envoûtantes inspirèrent et stimulèrent leur imagination à un point tel qu'ils en vinrent à créer des choses extraordinaires. Quelques-uns sculptèrent des pierres et en firent des bijoux. D’autres préférèrent travailler le bois que la nature leur offrait en abondance. Certains gravèrent sur des poutres des arabesques à la finesse remarquable.

Les femmes, de leur côté, créèrent des couronnes de fleurs, des colliers de coquillages triés par les enfants. Il planait alors sur notre communauté une énergie mystérieuse.

Nous étions tous portés par une imagination féconde.

Cela faisait des années qu’on n’avait plus vu l’Enchanteresse dans notre village, mais aucun des membres de ma famille, -de ceux qui osaient en parler-, n’avait oublié le croissant de lune entre ses sourcils.

Les années passèrent et le monde connut bien des tracas. Une nouvelle religion était arrivée, venue de l'autre côté de la mer. Les habitants l'accueillirent avec beaucoup de méfiance. Personne ne savait dans l'île ce que tout cela allait changer dans les vies de chacun. Cela occasionna bien des inquiétudes.

Des rumeurs d’invasions laissaient planer l’horreur, il était question d’actes abominables, d’incendies de village.

Tétanisés par l'éventualité d’un assaut, nous avions perdu notre candeur. Nous étions des pacifistes et nos croyances honoraient la déesse-mère, nourricière de la terre. Celle qui louait les êtres invisibles qui vivaient dans chaque élément de cette nature si généreuse.

Les femmes et les hommes célébraient la lune et le soleil et vivaient aux rythmes des saisons.

C'étaient des périodes d'harmonie et de sérénité lorsque, bien sûr, les horizons bleutés n'amenaient pas leur lot de barbares guerriers.

J'aimais ma terre et tous ceux qui y vivait. Ce n'était pas un monde parfait mais nous savions, pour avoir vécu le pire, qu'il était important de vivre en nous préservant les uns des autres. C'est ce qui faisait le charme de notre petite communauté. Je traînai souvent mes pas vers la nature excentrique et sauvage.  Ma différence, même  si elle ne gênait personne, commençait à faire germer des questions dans mon esprit, le troublant au point que je trouvai refuge dans la solitude. Mes promenades solitaires me menaient à chaque fois vers un lieu éloigné du village, là où la colline descendait vers les falaises. Sur le bord d'un chemin caillouteux, une petite maison de pierre abritait une femme qui, malgré son grand âge, était devenue mon amie. A l'arrière de la bâtisse, une autre lui faisait face, basse et longue, où Talia avait son atelier. Elle y confectionnait des parures de bijoux qu'elle échangeait contre de la nourriture, des matériaux ou des tissus avec lesquels elle créait des vêtements pour chaque saison. Alors, je venais la regarder travailler car j'admirai la dextérité de ses gestes, tout en puissance et en finesse. Talia parlait peu. Elle venait de très loin, par-delà les mers, comme l'enchanteresse, mais ce n'était pas elle. De cela, j'en étais sûre. Sa peau était claire et se colorait au soleil de reflets de bronze qui faisait ressortir ses yeux d'un bleu si clair qu'ils ressemblaient à l'eau cristalline des rivières. Elle portait ses longs cheveux blancs ramassés en chignon. Les mèches y étaient lissées en tresses et donnaient à sa nuque un port digne d'une reine. Elles se jouaient de la lumière lorsque le soleil venait les caresser. Dans la bâtisse, un four ronronnait en continue distillant une chaleur bienheureuse l'hiver, mais qui devenait vite pénible dès que les chaleurs de l'été apparaissaient. Porté à forte température, il lui permettait de fondre de l'étain et du cuivre et de les allier ensemble. Ensuite, elle les coulait dans un moule de bronze. Comme par magie, elle en sortait des pendeloques qu'elle montait ensuite en collier ou en boucle d'oreilles. 

Talia travaillait à ses pièces lorsque je vins la voir un matin, la mine renfrognée. 

  • « Qu'as-tu encore ce matin? » me questionna-t-elle en roulant légèrement sur les syllabes. 
  • « Oh, rien !» répondis-je faisant une grimace qui en disait long. 
  • « Teuh, teuh, teuh, dis cela à d'autres, mais pas à moi, javāna a̔aurata (jeune fille)  » renchérit-elle en m'observant du coin de l’œil.

La moue boudeuse, je m'affalai sur  le premier siège à côté d'elle. 

  • « Talia, je me sens différente des autres...  » 
  • « Des autres, quoi ? » rétorqua-t-elle, l'air malicieux. 
  • « Oh, ne fais pas celle qui ne comprend pas ! Tu sais exactement de quoi je parle ! Regarde-moi, puis va au village et dis-moi qui, de tous les habitants du village et des hameaux tout autour, a le même physique que moi? Aucun!  » m'exaspérai-je face à son calme serein. 
  • « Et, est-ce si grave ? » me demanda-t-elle soudain sur un ton plus sérieux. 
  • « Non, je sais bien que ce n'est pas grave, mais, je n'y peux rien. Dès que je me réveille, il arrive parfois que des milliers de questions se bousculent dans ma tête. Le pire, c'est qu'elles ne veulent plus en partir. et cela m'agace ! » 
  • « Si au lieu de te poser toutes ces questions qui grignotent des bouts de temps de ton enfance et, qui te gâchent tes journées, ne serait-il pas plus intéressant de t'amuser et de profiter de la vie?  » objecta-t-elle tout en étalant les pigments de couleurs sur les pendants qui allaient devenir une magnifique parure. 

Sa logique était d'une implacable sagesse et je savais pourquoi elle était mon amie. 

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